Critique littéraire : Allan Karlsson, en quête d’aventure même à 100 ans !
Ça fait déjà 9 ans que ce livre unique du écrivain Jonas Jonasson est sorti, mais nous l'apprécions toujours autant !
Écrit par Stannah
Même si Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire de Jonas Jonasson est paru il y a de cela quelques années déjà, il n’en est pas moins intéressant par son humour déjanté et ses changements imprévisibles qui en font un si bon livre (tant que vous acceptez que tout peut arriver dans le monde d’Allan Karlsson). Publié en suédois en 2009, ce livre a été traduit en 35 langues, il s’est vendu à plus de 3 millions d’exemplaires à travers le monde et a même été adapté au cinéma en 2013 (même si les critiques estiment que le film ne fait pas honneur au livre). Dans le NY times, il est dit que cette histoire pourrait être classée dans « les comportements hilarants des personnes âgées » et nous nous accordons à dire que l’humour de Jonasson associé au portrait du centenaire Karlsson, ne se sont pas perdus en cours de traduction. Toute la beauté de ce livre réside dans le fait que les personnes âgées n’y sont pas stéréotypées. Allan Karlsson est tout simplement quelqu’un qui a suivi le cours de sa vie, et même s’il n’a plus le corps de ses 20 an, son esprit reste jeune.
Karlsson est la preuve que la vie peut être une belle aventure et il nous balade ainsi à travers des faits historiques du XXᵉ siècle au cours desquels il rencontre tout une série de leaders politiques et fait des ravages au passage à mesure qu’il passe d’un évènement majeur à un autre. Ce héros peu probable, prouve qu’une aventure n’est jamais de trop et il n’hésite pas un seul instant à rappeler à son entourage que ses 100 ans ne l’empêchent pas de contourner ses problèmes de mobilité en ayant recours à la créativité. À la lecture de ce livre on pense à tout ce que les générations précédentes ont pu vivre et à quel point leurs histoires peuvent être précieuses.
Table des matières
L’intrigue
Allan Karlsson, le personnage principal
Leçons sur la longévité
L’intrigue
Il n’est pas simple de parler de l’intrigue de ce roman car plusieurs histoires se déroulent en même temps et s’imbriquent. Écrire sur l’intrigue de cette histoire, reviendrait à écrire un nouveau livre. Toutefois, Jonassen parvient à narrer ces aventures en nous transportant aisément d’une époque à l’autre à divers endroits, de telle sorte qu’il nous semble naturel que Karlsson se retrouve dans des situations absurdes de fil en aiguille. À partir du moment où Allan saute par la fenêtre de la maison de retraite, il se révolte contre tout ce que la société attend de lui en tant que centenaire, en commençant par sa propre fête d’anniversaire dont il fuit.
Son escapade le conduit à la gare routière où il s’empare d’une valise pleine d’argent et c’est là que l’aventure commence ! L’analyse qu’il fait des situations dans lesquelles il se retrouve est logique mais très drôle car il dit ouvertement ce qu’il pense et laisse le spectateur s’interroger sur ce qu’il va faire par la suite. Cette rationalité s’étend aux analyses qu’il fait de certains des chefs d’État les plus puissants du XXᵉ siècle, y compris le président Truman, le général Franco, de Gaulle, Kim II Sung et son fils de 11 ans, Mao Tse Tung, Staline et Churchill, avec lesquels il gère des problèmes de façon très naturelle. Le manque d’intérêt que Karlsson porte aux questions politiques ne l’empêche pas de transformer chaque interaction en une nouvelle amitié sans se soucier du parti politique, de la nationalité ni même de la culture.
Les lecteurs ont comparé ce livre à Candide de Voltaire en raison du ton naturel et comique avec lequel sont décrites toutes sortes d’évènements tragiques. Cependant, contrairement à Candide, les valeurs morales des personnages principaux sont douteuses car ils n’ont aucun scrupule à suivre le cours de leur vie malgré les crimes qu’ils ont commis. L’histoire légère et les moments comiques montrent que, malgré tous les défauts des personnages du livre, Karlsson n’est pas en reste et que sa vision optimiste du monde ainsi que ses idées farfelues le tirent toujours d’affaire. Une description d’évènements historiques et de personnages sous forme de satire rend cette lecture légère et amusante.
Allan Karlsson, le personnage principal
« Ne soyez pas bête ! » dit Allan. « Vous savez M. le procureur, je n’ai pas toujours été centenaire. Non, c’est récent
Allan Karlsson n’est pas décrit comme on voit la plupart des personnes âgées mais plutôt comme quelqu’un qui a tout simplement vécu très longtemps ! Il est impossible de parler de Karlsson sans faire référence aux personnes âgées, d’autant plus qu’il expose certains problèmes liés à l’âge, comme la vie en maison de retraite. Pour certains, et notamment pour Allan, vivre dans un centre de repos n’est pas la meilleure option. Karlsson n’aime pas le fait qu’il n’ait pas le droit de boire de la vodka dans la maison de retraite (bien que la majorité s’accorderait à dire qu’un centenaire ne devrait pas en boire tous les jours) et il rappelle au lecteur qu’il a été parfaitement capable de prendre ses propres décisions pendant plusieurs décennies. Allan, l’expert en explosifs, aventurier et amis de chefs politiques se retrouve soudain traité comme un jeune enfant à qui on rappelle constamment la réalité de la vie en maison de retraite (même si tout est très caricaturé).
« À cent ans, on se retrouve parfois avec des pantoufles »
Cette partie du livre fait vraiment penser que la vieillesse cache parfois des corps en forme et de fortes volontés mais aussi que les personnes âgées sont souvent traitées comme un groupe homogène plutôt que comme des individus à part entière. C’est ce qui pousse Karlsson à s’évader et à commencer une nouvelle aventure. De ses « pantoufles pissées » jusqu’à son hésitation à sauter par-dessus un mur d’un mètre, la description comique de l’évasion d’Allan est très bien écrite dans ce livre. Il nous est déjà arrivé à tous de vouloir fuir la réalité, que ce soit d’une maison de retraite ou d’un bureau, et c’est très libérateur de suivre Allan qui laisse tout derrière lui.
Ce qui est le plus remarquable chez Karlsson, c’est sa façon de voir la vie, pour lui, les gens ne sont rien de plus que des gens indépendamment de leurs penchants politiques. Il se lie d’amitié avec des gens de toutes couches sociales du moment qu’ils prennent un verre avec lui et il ne juge pas leurs actions (à part ceux qui veulent le blesser). Cette perspective associée à son optimisme sans bornes, permet à Allan de résoudre divers problèmes et de se lier d’amitié avec les personnages les plus improbables.
Leçons sur la longévité
Dans un entretien pour The Telegraph, l’auteur révèle que le fait d’avoir imaginé Allan Karlsson l’a aidé à surmonter certaines épreuves dans sa vie. Il raconte que même après avoir terminé le livre, il continuait à imaginer Karlsson : « C’est comme s’il apparaissait sur mon épaule quand je suis stressé pour me dire : Allez, ce n’est rien. »
« C’est comme s’il apparaissait sur mon épaule quand je suis stressé pour me dire : Allez, ce n’est rien. »
Bien que nous ne puissions pas tous vieillir comme Karlsson, et que la nonchalance avec laquelle il mène sa vie peut ne pas convenir à tous, la leçon à en tirer est qu’il faut laisser la vie vous porter et éviter le stress autant que possible, que ce soit en maison de retraite ou dans votre propre résidence. Les personnes âgées ont besoin d’être entendues, et Karlsson, plus que quiconque nous montre que la vieillesse ne peut pas ou ne devrait pas être sous-estimée !Seuls les gens ayant une longue expérience de vie peuvent avoir cette vision des choses, et comme il est dit dans notre article blog sur Le rôle des anciens à travers l’histoire c’est avec l’âge que vient la sagesse. Le fait que Jonasson se tourne vers son personnage fictif pour ainsi obtenir du réconfort et des conseils, montre combien nous pourrions en tirer de nos aînés. Ce conseil associé à l’optimisme de Karlsson est l’élixir parfait pour une longue vie !
À lire également :